Il faut la « chouchouter » notre grande chouette, c’est la seule chouette qui reste dans nos forêts de Fausses-Reposes et de Meudon. On en dénombre plusieurs couples dans chacune de ces forêts.
Pourtant, elle n’a pas bonne réputation et l’imaginaire collectif la classait encore au siècle dernier parmi les oiseaux de malheur ! Encore, de nos jours, quand on représente une voyante, elle est souvent accompagnée d’une chouette dont les yeux perçants symbolisent le mystère et la perspicacité.
Cette sombre réputation ne date pas d’hier : peut-être que cet oiseau rusé, avec sa capacité à se diriger dans la totale obscurité comme en plein jour, ses hululements étranges qui résonnent dans la nuit alors qu’elle est invisible, son vol parfaitement silencieux et ses chasses nocturnes quand ses proies sont fragilisées par l’obscurité, … cela fait peur !
Au Moyen Âge, dans nos campagnes reculées, elle était associée aux fantômes, au démon, à la sorcellerie et il n’était pas rare à cette époque de voir une chouette clouée à la porte d’une grange pour conjurer le mauvais sort.
Pour les romains, la voir était un présage néfaste, pire, entendre son cri annonçait une mort imminente. Dans le folklore arabe, la chouette hulotte est l’incarnation des esprits des défunts non vengés. Il est vrai que sa présence dans les ruines et les cimetières n’aide pas non plus à sa renommée, mais c’est dans ces endroits déserts que les rongeurs sont nombreux et faciles à surprendre…Par contre au Japon si les chouettes effraies avec leur tunique blanche sont démoniaques, les chouettes hulottes ou chats-huants, seraient les envoyées des Dieux…
Elle est pourtant un symbole remarquable de l’adaptation à une vie de chasseur nocturne.
Mais commençons par le début, bien sûr vous savez reconnaitre un hibou d’une chouette ? Seules, les chouettes n’ont pas ces 2 toupets de plumes sur le dessus de la tête qu’on appelle aigrettes, rien à voir avec ses oreilles !
La hulotte est la plus grande des chouettes, jusqu’à 1 m d’envergure pour un poids de 300 à 400g pour le mâle, environ 600 g pour la femelle, le rapport taille/poids est une ruse pour impressionner l’adversaire !
Si elle habite en forêt ou dans les bosquets de grands arbres (vieux de préférence pour y trouver des cavités), elle chasse en campagne mais aussi en ville et de plus en plus. On la trouve maintenant dans les grands parcs parisiens. C’est la chouette la plus commune que l’on trouve dans toutes les régions de France
Elle est le seul rapace nocturne à posséder des yeux noirs. Ils sont toutefois plus petits que ce que l’on croit car ce sont les auréoles autour des yeux qui donnent cette impression de grands yeux. A la différence, les autres chouettes ont des yeux largement cerclés de jaune.
Bien qu’elle soit sédentaire et que le couple, une fois formé, reste fidèle toute sa vie (entre 8 et 15 ans), elle est très difficile à observer. De jour comme de nuit, elle n’a pas son pareil pour changer de perchoir régulièrement et se fondre dans la végétation. Elle se tient souvent plaquée contre le tronc de l’arbre sur lequel elle est juchée et si l’arbre est couvert de lierre, même pas la peine de sortir vos jumelles !
Seuls 2 indices permettent de la repérer : trouver ses pelotes de réjection (1) ou l’entendre chanter dès l’automne et principalement pendant les nuits froides de janvier et février (sa voix porte facilement à 1 km). Si vous entendez une plainte bizarre du genre : « Houh! houh! Houh ! » suivie 1 à 4 secondes plus tard d’un long « Houhouhouhouhouhou »! c’est une chouette hulotte mâle, la femelle lui répond par un ki – ouik plus aigu.
Alors si vous avez beaucoup d’espoir et si vous faites preuve de beaucoup de discrétion, avancez en silence par une lune sans nuage pour éclairer la cantatrice quand elle s’envolera furtivement dans le plus grand silence. Grâce aux rémiges frangées de ses ailes qui absorbent les bruits, son vol est complètement silencieux. Un dernier conseil : quand les petits sont nés entre février et avril, il est alors plus facile de trouver le nid, mais surtout ne vous approchez surtout pas… pendant cette période, la femelle est très agressive et n’hésitera pas à vous attaquer dangereusement.
Donc puisque nos chances de l’observer sont très faibles, pour tout savoir sur ce mystérieux oiseau nocturne, nous avons demandé à ce vieux chêne qui l’héberge depuis plusieurs années :
« La 1ère fois que je l’ai vue, c’était fin novembre. Elle avait élu domicile sur une de mes branches. Ce soir là, elle ne cessa pas de chanter pendant des heures, d’autres hulottes lui répondaient, c’était le marquage des territoires. Puis un beau jour, je me suis aperçu que la femelle avait décidé de construire son nid dans le creux d’une de mes branches cassée par une tempête précédente, quelquefois c’est dans un ancien nid de pic mais cette année il était occupé par un écureuil. Les vers et les champignons avaient trouvé refuge dans cette cavité choisie par notre hulotte et elle s’y était installée à même les débris sans faire de ménage et sans apporter la moindre brindille, c’était au mois de mars. Elle pondit ses 4 œufs blancs à même le plancher…(c’est une moyenne, les années fastes la couvée peut comprendre le double d’œufs). Dès le 1er œuf pondu, la femelle n’a plus quitté le nid pendant les 28 à 30 jours de couvaison.
Elle ne sortait chaque jour que quelques minutes pour prendre la nourriture que le mâle lui apportait régulièrement (les chouettes chassent à l’affût, perchées sur une branche ou un poteau ; sauf pour les passereaux qu’elles délogent de leurs arbres/dortoirs en frappant violemment avec leurs ailes les branches pour les faire envoler sous l’effet de la panique et clac !…). C’est à cette période que les conditions climatiques sont très importantes. Quand le mois d’avril est froid et pluvieux, le mâle ne parvient plus à chasser pour deux. La femelle est alors obligée de se ravitailler par elle-même et si elle quitte le nid trop longtemps, la ponte est perdue. Mais quand les campagnols et les souris sont en abondance, tout se passe bien et à l’âge de 5 semaines, les petits, même encore dépourvus de plumes, sortent du nid pour batifoler sur les branches voisines. Ils sont alors très vulnérables, les prédateurs ne sont pas loin, belettes et fouines entre autres. Enfin lorsqu’ils sont complètement emplumés, ils prennent peu à peu leur indépendance et tout le monde quitte mon arbre. »
Vous l’avez compris, bien qu’étant une espèce protégée, les chouettes (et elles ne sont pas les seules) ont besoin de cavités pour nicher mais elles sont soumises à la disparition tendancielle des vieux massifs causée par l’exploitation forestière. Nous ne manquons pas depuis des années d’insister auprès de l’ONF pour conserver un maximum d’arbres morts…Il y a des améliorations et l’idée fait son chemin … !
(1) Les petits rapaces avalent leurs proies entières, pas de détails. Une habitude peut-être liée au fait qu’ils mangent leurs proies sur place à la vue des prédateurs, il faut faire vite car la dernière bouchée avalée, ils repartent à la chasse. L’inconvénient de cette habitude, c’est que la digestion laisse quelque peu à désirer. Alors pour y remédier, quand une souris ou un oiseau arrive dans leur estomac, les sucs digestifs les réduisent en viande bouillie. Ce qu’il reste (plumes, poils et os) se rassemble en une sorte de boulette grise qui, la digestion terminée, remonte par l’œsophage et est expulsée à l’extérieur, c’est la pelote de réjection. Ne pas confondre avec une « crotte »… la pelote est propre et inodore. Une fois décortiquée, on trouve entre autres des petits os souvent entiers qui permettent de connaître le régime alimentaire de son propriétaire (notre chouette par exemple est capable d’avaler souris, musaraignes, campagnols, écureuils, chauves-souris, taupes, grenouilles, petits passereaux mais aussi des merles voire des geais…).