Le ver de terre : le laboureur de l’ombre

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Le ver de terre est un animal peu ragoutant avec des airs de serpent gluant. Il est difficile de le voir et sa présence dans le sol est souvent révélée par ses rejets de forme grumeleuse que l’on appelle « turricules ». Pourtant cet animal est extrêmement abondant sur terre. Le ver de terre appartient à la communauté des lombrics qui est la première biomasse animale terrestre avec un taux de 80% (hommes y compris). Sur notre planète, le poids de tous les vers de terre réunis, est 20 fois supérieur à celui des hommes. En France, ce poids représente en moyenne 1,2 tonne de vers de terre à l’hectare.

Une variété d’espèces

Il y a ceux qui creusent profondément, ceux qui creusent superficiellement et ceux qui vivent dans la litière (matière organique de surface au sol). Généralement, on les trouve souvent dans les sols enherbés des prairies, des vergers ou des forêts.

  • Les espèces épigées, habitent dans la litière de surface, sont rouge-brun se trouvent le plus souvent dans les jardins et partout où il y a de l’herbe et des matières organiques mais rarement dans les sols labourés. On parle de lombric de composts.
  • Les espèces endogées, creusent des galeries superficielles sur une profondeur de 5 à 40 cm, sont pâles et transparentes. On les appelle « les froussards ». Ces vers de terre, qui creusent surtout des galeries horizontales et instables, ne viennent presque jamais à la surface du sol.
  • Les espèces anéciques, creusent des galeries verticales et profondes, sont importantes dans les sols agricoles. Leur coloration rougeâtre les protège contre les rayons UV. Ces vers de terre creusent des galeries verticales et stables de 8 à 11 mm de diamètre sur de plus grandes profondeurs (3 à 4 mètres) où ils séjournent normalement pendant toute leur vie.
Source Marcel Bouché 1972

Que respirent-ils ?

Ils respirent à travers leur peau, de l’oxygène dissous dans l’eau ; c’est pour cela qu’ils sont très actifs dans les sols humides. Ils n’ont pas de moyens performants pour résister aux pertes en eau. Si le sol est sec ils se roulent en boule. Leur activité est donc maximale par temps pluvieux et pour une température de 12 °C. Les périodes mars-avril et septembre-octobre leur sont favorables.

Que mangent-ils ?

Ils se nourrissent essentiellement de matériel végétal mort, c’est-à-dire de débris de plantes. Ils pâturent pendant la nuit le « gazon d’algues » produit pendant le jour et tirent des débris végétaux morts dans leurs galeries où des microorganismes les « prédigèrent » en deux à quatre semaines. Les vers de terre n’ont pas de dents et ne peuvent donc pas mordre dans les racines des plantes. Le lombric, par exemple, s’empare de matières végétales incorporées superficiellement ou laissées à la surface du sol. Au total, un ver est capable d’ingurgiter jusqu’à 30 fois son poids chaque jour.

Même si ce sont des invertébrés aveugles, sourds et visqueux, les vers de terre disposent d’un appareil digestif de compétition puisqu’ils digèrent en moyenne 300 tonnes à l’hectare par an ; et réabsorbent près de 63 % de leurs rejets ou turricules. Ces rejets sont à la fois visibles en surface et dans le sol. Ils ont la capacité d’enfouir des végétaux dans le sol, par exemple des feuilles (voir photo ci-contre)

source : Yvan Capowiez, INRA

Ils brassent de la terre à la manière d’un tracteur agricole en creusant des galeries par ingestion ou en poussant le sol. Le résultat est que le sol s’aère efficacement sur des épaisseurs significatives.

Les vers de terre augmentent la capacité du sol à absorber l’eau.

Les galeries stables et verticales des espèces anéciques améliorent nettement l’absorption, le stockage, l’infiltration et le drainage de l’eau dans le sol, ce qui contribue fortement à empêcher le ruissellement et l’érosion. On trouve dans les sols non labourés jusqu’à 150 tubes au m2, ce qui représente 900 mètres de galeries par m2 sur 1 mètre de profondeur. Ces galeries stabilisées par le mucus excrété par les vers de terre peuvent atteindre 3 mètres de profondeur et traverser les zones du sol faiblement compactées et d’améliorer l’écoulement vertical de l’eau dans les sols.

Le ver de terre : un dévoreur de terre mais un bienfait pour les plantes

Le ver de terre baptisé « les intestins de la terre » par Aristote il y a 2400 ans mérite le qualificatif à cause de son appétit féroce pour le recyclage de la matière organique en quantité ! Dans les champs, les vers de terre incorporent dans le sol jusqu’à 6 tonnes de matière organique morte par hectare et par année, et dans les forêts ils travaillent jusqu’à neuf tonnes de feuilles mortes par hectare et par année.

Mais en plus son transit intestinal fait des merveilles avec son super-intestin en forme de machine de guerre qui stimule les sols avec les végétaux qu’il a préalablement digérés.

  • Ses déjections, les turricules, sont un mélange intime de particules végétales et minérales très riches en azote et phosphore, et sous une forme facilement assimilable par les plantes
  • La présence de galeries dans la région des racines des plantes favorisent leur croissance.
  • Les vers prélèvent des matières minérales dans le sous-sol et les transportent dans la couche arable, ce qui la rajeunit continuellement
  • Les vers s’attaquent à des plantes coriaces et toxiques qu’aucun autre animal ne s’aventurerait à manger car ils sont dotés de protéines spéciales appelés drilodefensis. Ils agissent comme le terminator des champignons pathogènes comme la tavelure du pommier ou le rougeot, les chenilles feuilles etc, par leur décomposition biologique.

Les vers de terre : des gardiens de biodiversité menacés !

  • Le labourage de la terre profond et fréquent réduit fortement la population de vers
  • Le recours massif aux produits phyto-sanitaires, par exemple, les pesticides néo-nicotinoïdes (ex le Gaucho contre les pucerons, les anti-limaces) est toxique et même mortel pour les vers.
  • Le tassement de la terre, les sols mal aérés, compactés et inondés sont très défavorables aux vers.

Savez-vous que les populations de vers de terre sont plus abondantes dans les villes que dans les grandes cultures ou les régions viticoles, cause des méthodes de l‘agriculture intensive ?

C’est d’ailleurs pour tenter d’évaluer les pertes de leur biodiversité que l’Université de Rennes a mis en place en 2011 l’observatoire participatif des vers de terre. Une initiative ouverte au grand public pour développer l’agro écologie partout où c’est possible. Si vous souhaitez aider les géodrilologues à protéger les vers de terre et à poursuivent leurs travaux, voici le site de l’OPVT  (https://ecobiosoil.univ-rennes1.fr/OPVT_accueil.php).

Marcel Bouché, grand spécialiste mondial du lombric, vous pouvez dire aussi « géodrilologue » pour épater vos amis affirme qu’il y a Dieu, les vers de terres et les autres espèces animales…