Les serpents ces mal-aimés

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Que de légendes et de rumeurs à propos de ces reptiles pour la plupart inoffensifs. Les traditions populaires abondent à propos des vipères, comme de l’ensemble des serpents, lisant des symboles maléfiques dans les mœurs fantastiques qu’on leur prête.

Au Moyen Age, la chair des vipères était utilisée pour préparer la célèbre « thériaque » sensée être active dans une foule de maladies. Les vipères étaient une source majeure de remèdes populaires, encore très utilisés dans la France du XIXe siècle.

Une vipère conservée dans une bouteille d’alcool était un trophée figurant dans de nombreuses maisons rurales et ornait, il y a peu, les vitrines de nombreux pharmaciens ou herboristes. Nommée « Vipérine » cette eau-de-vie était une spécialité locale appréciée offerte dans certains restaurants.

Bref ne rentrons pas dans le détail d’affirmations toutes plus irrationnelles les unes que les autres : les serpents tètent les vaches, ils hypnotisent leurs proies, ils peuvent aussi se mordre la queue réalisant ainsi un cerceau pour dévaler les pentes à votre poursuite, « on » lâche des vipères par hélicoptère etc. Tout ceci relève de l’imagination fertile de certains esprits peu cartésiens.

Pauvres de nous !

Les humains ont peur de moi, la vipère ; ils ne savent pas que je suis encore plus craintive qu’eux. Dans la grande majorité des cas, ils ne m’aperçoivent pas, je me suis enfui avant qu’ils ne m’approchent. Je me réfugie dans un trou et en règle générale, je ne quitte guère la proximité de cet abri. Seulement j’ai beaucoup de prédateurs et je dois aussi me nourrir. Le danger peut venir des airs par certains rapaces ou de la terre par les blaireaux, les martres et les hérissons qui sont capables de me capturer sans que mon venin ne puisse faire effet grâce à leur vitesse ou à l’épaisseur de leur poils ou de leurs piquants.

Quand vous saurez qu’en plus je suis sourde et que je vois très mal (comme tous les serpents) (je suis heureusement très sensible aux vibrations), vous comprendrez alors pourquoi dame nature m’a doté de 2 crochets venimeux qui font si peur aux humains. Ils me connaissent très mal ces humains, vous pensez bien que ma réserve de venin étant limitée, je ne l’utilise qu’en cas de danger, je peux très bien mordre sans lâcher de venin ou une toute petite dose, je le réserve précieusement car il me sert à digérer mes proies plus rapidement.

Pour me soustraire à la prédation ainsi que pour chasser, je ne possède que deux armes simples et efficaces : une tenue de camouflage et la capacité de rester immobile pendant des heures. Alors passez votre chemin, ne vous arrêtez pas, ne me marchez pas dessus et je ne bougerai pas. Pour une proie vous êtes un peu grosse pour moi si j’ose dire…Vous pensez, je me nourris essentiellement de lézards, de petits rongeurs, de grenouilles, de crapauds, de musaraignes, ainsi que d’oisillons nichant au sol.

Pendant tout l’hiver j’hiberne sous une souche ou dans un terrier. Puis dès que le printemps arrive, j’éprouve soudain l’envie de prendre l’air et surtout de profiter de la douce chaleur du soleil pour me réchauffer. C’est alors que je m’enroule quelquefois au milieu d’un chemin, encore endormie par ma longue nuit hivernale. Et contrairement aux idées reçues il m’arrive aussi de fréquenter les milieux humides et quand je nage, mon cou est dressé hors de l’eau. Quelques jours de soleil suffisent à faire le plein d’énergie pour les mâles qui cherchent une compagne. Il s’en suit des combats entre mâles pour désigner le plus fort. L’heureux élu produira ainsi des vipéreaux solides et résistants. Le développement embryonnaire s’effectuera à l’intérieur de mes voies génitales et, c’est au bout de 4 mois que j’expulserai 10 à 20 jeunes entièrement formés (juste protégés d’une fine enveloppe qu’ils perceront immédiatement). Ils seront capables dès cet instant de mordre et d’injecter leur venin.

Le vipéreau subit sa première mue quelques heures après la naissance suivi de mues régulières tout au long de sa vie qui lui permettent de grandir. A l’approche d’une mue l’œil s’opacifie et la « vieille peau » se détache comme une chaussette qu’on enlève à l’envers…

Moi, la couleuvre, craintive et inoffensive, je pâtis de la mauvaise réputation de ma cousine, la vipère. Oh non, je ne lui en veux pas, elle ne fait que se nourrir et se défendre, je vise les humains qui ne sont même pas capables de me différencier d’avec ma cousine (voir tableau ci-après). Surtout retenez bien, si vous vous trouvez devant un individu de plus d’un mètre, c’est forcément une couleuvre !

Quelques espèces de couleuvre (par ex couleuvre de Monpellier) possèdent bien des crochets à venin mais ils ne sont utilisés que pour tuer les proies et jamais pour mordre. Ils sont situés au fond de la mâchoire supérieure et leur venin est beaucoup moins puissant que celui de la vipère.

En France je suis très commune notamment la couleuvre à collier, j’affectionne les zones humides surtout pour les plus jeunes, j’aime nager et plonger à la recherche de nourriture (grenouilles, crapauds, têtards et petits poissons) puis en vieillissant je vis plus à l’écart de l’eau où je me nourris de lézards et de petits rongeurs, je suis alors l’alliée des jardiniers.

Comme tous les serpents je suis sourde, je vois mal et je possède une langue bifide qui sort et rentre continuellement. Celle-ci capte les molécules de l’environnement et me permet de repérer le chemin odorant laissé par une proie, de reconnaître un partenaire sexuel voire un prédateur éventuel. En fait ma langue, c’est mon nez !

Pour me défendre je donne des coups de tête et j’envoie un liquide nauséabond. Et comble de la supercherie, je peux aussi faire la morte. Le prédateur va alors croire que je suis inanimée depuis longtemps compte tenu de l’odeur qui se dégage de mon corps. Il va partir sans même se retourner…

J’hiberne aussi l’hiver de fin octobre à début mars. Contrairement à ma cousine, je suis ovipare, je ponds de vrais œufs, 10 à 40 courant juin/juillet qui écloront début septembre/octobre après 4 à 8 semaines d’incubation. Les petits seront alors très vulnérables car je ne vais pas les materner, ils se débrouilleront seuls, les plus forts et rusés résisteront.

Il a fallu attendre 1979 pour qu’un premier décret sur la protection de certains reptiles soit promulgué, complété par la loi du 29 novembre 2007 fixant la liste et les modalités de protection. Les serpents sont depuis des espèces animales protégées en France, mais cette protection a été difficile à imposer, surtout pour les vipères, serpents venimeux.

Cette loi est importante car « elle affirme explicitement des principes (reconnus en France plus tardivement que dans d’autres pays européens) qui posent de nouveaux rapports entre l’homme et la nature, où l’homme n’est plus le maître unique et tout puissant, autorisé à exploiter et à transformer à son gré, mais se reconnaît un devoir de gardien et de conservateur de l’environnement ».

Combien de fois faudra-t-il vous dire que je ne suis pas un serpent mais un lézard :

Oui, c’est moi l’Orvet, je suis aussi appelé serpent de verre, c’est poétique mais vraiment mal approprié. Bien sûr je n’ai pas de pattes et par conséquent je suis contraint de me déplacer par ondulations comme un serpent. En plus j’ai la peau brillante à cause de mes écailles lisses mais je suis tout à fait inoffensif. Je ne dépasse pas 50 cm et je peux – comme les lézards – me défaire de ma queue pour leurrer un éventuel prédateur.

A la différence des serpents, j’ai des paupières mobiles. Comme les lézards j’ai un tympan caché sous les écailles et mes mues ne sont pas complètes mais morcelées. Je fréquente beaucoup d’habitats : les jardins en friches ou pas, les lisières, les haies, les bords de chemins de fer, les milieux forestiers divers, les bords des plans d’eau. Je suis d’un naturel discret, je passe mon temps caché dans la végétation. Mon menu se compose essentiellement d’escargots, de limaces, de vers de terre et autres lombrics, de chenilles, cloportes, araignées, larves diverses. Vous avez compris, je suis l’allié des jardiniers. Et tout comme les lézards on peut me trouver sur une terrasse au soleil de bon matin mais je préfère me réchauffer à l’abri sous une souche, une pierre, une planche, peut-être parce que j’ai de nombreux prédateurs comme les chats, les rapaces, les serpents, voire de petits mammifères.

Je me reproduis entre avril et juin suivant les régions et je mets bas entre 3 et 25 jeunes car je suis vivipare (je ne ponds pas d’œufs). Je peux vivre au moins 20 ans quand tout se passe bien…

Alors de grâce, vous les humains, ne me tuez pas, je suis tellement utile.

Regardez moi bien je ne suis pas un serpent !

Orvet femelle
Orvet mâle

Comment nous distinguer : couleuvre ou vipère ?

Caractéristique

Couleuvre

Vipère

Forme de la pupille

ronde (comme les humains)

fendue verticalement (comme les chats)

Écailles céphaliques (haut de la tête) 

grandes et peu nombreuses (9 si certains sont assez téméraires pour les compter)

petites et très nombreuses

Écailles entre l’œil et la lèvre supérieure

une seule rangée

2 ou 3 rangées suivant les espèces

Taille

autour d’1 m pour les mâles jusqu’à 1,60 m pour les femelles

Dépasse rarement 80 cm

Couleuvre à collier
Vipère

(les conseils suivants sont des extraits du livre « Sur la piste des reptiles et des amphibiens de Françoise Serre Collet)

Les serpents sont froids et visqueux : FAUX
Le corps d’un serpent est sec et doux, les serpents ont le corps à température ambiante :

froid l’hiver, chaud l’été.

Il ne peut pas transpirer, il ne possède pas de glandes sudoripares et ses écailles sont en continuité les unes avec les autres.

 

Un serpent se met en boule et nous poursuit pour nous mordre : FAUX
L’absence de pattes les oblige à ramper vers l’avant par un mouvement ondulatoire horizontal. Ils nagent aussi par mouvements ondulatoires.

Les vipères noires ou rouges sont les plus dangereuses : FAUX
La coloration n’est pas un signe de dangerosité, chez les serpents il y a aussi des cas d’albinisme ou à l’inverse une surabondance de pigments noirs.

Les serpents aiment la musique : FAUX, puisqu’ils sont sourds
Lors des spectacles de charmeur de serpent, l’animal suit le mouvement de la flûte et non la mélodie…
Il ne sert donc à rien de crier dans la nature pour faire fuir les serpents.

Les serpents aiment le lait : FAUX
Si un serpent entre dans une étable c’est pour la chaleur qui y règne et non pour l’attrait du lait.

Le venin sert à la défense de l’animal : FAUX
Il sert à tuer et immobiliser sa proie. C’est un cocktail de protéines comprenant des enzymes digestives car le serpent ne recrache pas sous forme de pelote de réjection les éléments indigestes de leur repas

 

EN CAS DE MORSURE :                                                   NE PAS FAIRE :

  • N’aspirez pas le venin avec la bouche (même si l’aspic venin est peu efficace)– n’urinez pas sur la morsure – ne faites pas de garrot (il bloque la circulation sanguine ce qui peut s’avérer très dangereux). – n’incisez pas la plaie avec un couteau, cela ne fait qu’aggraver les choses.

QUE FAIRE ?

  • Ne courez pas , restez calme et rassurez la victime – retirez les bijoux pour éviter qu’ils deviennent des garrots à cause du risque d’œdème extensif – Désinfectez la plaie – posez si possible une vessie de glace –faites une attelle pour immobiliser le membre mordu – allez à l’hôpital – si c’est un enfant, portez le.
  • MAIS pas d’affolement il y a très peu de chance que vous vous fassiez mordre par un serpent, les guêpes et les abeilles font malheureusement davantage de victimes que les serpents.

Et pour tout vous avouer, personne n’a jamais vu de vipères dans nos forêts de Fausses-Reposes et de Meudon, l’ONF non plus, mais on peut y rencontrer des couleuvres à collier et des orvets.

Ne les tuez pas, certains l’ont fait par méconnaissance. Par contre gardez ces renseignements, ils peuvent vous servir dans d’autres régions de France et même en Ile de France dans des zones moins urbanisées.