Qui s’y frotte s’y pique !

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On connait mon nom depuis des siècles, mais qui sait où j’habite ?
Qui sait ce que je mange ? Qui est capable de s’occuper de mes petits lorsque l’un d’eux a le malheur de s’égarer ?

Alors pour éviter tout malentendu, moi, le HERISSON, je vais faire abstraction de ma pudeur et tout vous expliquer.
Je suis apparu sur terre il y a plus de 15 millions d’années et depuis, mon squelette a traversé toutes les époques pratiquement sans modification. Il faut croire qu’il était bien adapté. A moins que vous ne soyez un noctambule, vous me rencontrez rarement car je ne vis que la nuit. Si vous voyez un hérisson en pleine journée, il est sûrement malade. On m’appelle le Hérisson Commun ou Hérisson d’Europe, car comme mon nom l’indique, je ne vis qu’en Europe (…et en Nouvelle Zélande où l’on m’a un jour transporté…).

Les lisières de forêt, les parcs ou les jardins bordés de haies sont mon domaine. Un petit creux dans un terrain que j’aménage avec une bonne épaisseur de feuilles sous un buisson de préférence ou un tas de bois, voilà mon gîte. Le jour, je dors, l’hiver, j’hiberne.

A la fin de l’été, comme tous les animaux hivernants, je dois me constituer une réserve de graisse suffisante pour tenir tout l’hiver. Chaque année entre octobre et mars, le raccourcissement des jours et la baisse des températures m’indiquent qu’il est temps de m’inscrire aux abonnés absents. Enfin presque, car je suis tenu de me réveiller plusieurs fois pendant ma période d’hibernation sous peine de mort. Quand la température devient trop basse, je dois me réveiller quelques temps sous peine de geler, puis je me rendors. Inversement lorsque la température s’élève un peu, je sors de ma cachette en espérant trouver un petit quelque chose à me mettre sous la dent. Si je rentre bredouille, tant pis, je me rendors. C’est pourquoi mon poids varie en moyenne entre 700g et 450 g suivant la saison (on a vu certains hérissons peser presque 1 kg en octobre, d’autres 350 g en avril).

Mais Dame Nature a tout prévu, pendant mes longues siestes, mon organisme vit au ralenti, mon corps se refroidit, ma température passe de 36°C à 4°C, je respire à peine dix fois par minute, ce qui me permet de faire des économies d’énergie.

L’été je me rattrape, seulement 18 heures de sommeil par jour…c’est peut-être beaucoup pour vous mais pour moi 3 ou 4 heures de travail me suffisent pour faire mon marché. A la lueur du clair de lune, j’explore en zig zag les prairies et les lisières, le nez au ras du sol en changeant sans cesse de direction et de vitesse, on dirait un jouet mécanique. De plus je ne suis pas forcément discret (ronflements, bruyants soupirs, froissements de feuilles…) Ma vue est médiocre mais heureusement mon ouïe et mon odorat sont très développés. Mon ouïe est si fine que je peux détecter de la nourriture jusqu’à 3 cm de profondeurou entendre un ver de terre se glisser sous les feuilles.

Même si je suis classé dans l’ordre des insectivores, je suis pourtant omnivore.Sur la carte de mon menu, j’inscris des limaces, des escargots, des fruits, des baies, des insectes, des araignées et même des mille-pattes, carabes, abeilles, guêpes et autres insectes toxiques comme les méloés qui secrètent une substance, la cantharidine, capable d’intoxiquer un bovin… mais pas moi ! je résiste même au venin de la vipère et à des dizaines de piqûres d’abeilles, mais, pas aux herbicides, pesticides et autres anti-limaces…. Seule limite, mes proies doivent pouvoir être avalées d’une seule bouchée, les escargots dont la coquille mesure plus de 18 millimètres de diamètre peuvent se promener tranquilles.

Toutefois il ne faut pas croire que les proies me tombent sous le museau. Je parcours en tout sens un territoire de plusieurs hectares (pas en une seule nuit, n’exagérons rien…), toujours en lisière des bois, le long des haies, des talus de chemin de fer, le long des grillages ou des clôtures. Je me déplace en moyenne de 3m par minute mais je peux aussi pousser des pointes à 7 km/h.

Vers le mois d’avril, moi, la femelle, à peine sortie de l’hibernation, je me sens suivie par différents congénères qui errent dans mon territoire. C’est la période du rut et compte tenu de leur flair aiguisé, ils ne tardent pas à me retrouver (période du rut de mai à juillet très bruyante  : reniflements, grognements, ronflements…). De plus, histoire de ne pas envoyer mon mari aux urgences, je rabats complètement mes piquants vers l’arrière. Mais à peine le temps de le reconnaître, il a déjà disparu et ne s’occupera jamais de ses petits.

Cinq à six semaines après, je mets au monde 3 à 7 petits de 10 à 25 g qui naissent aveugles et tous nus (heureusement ! on voit que ce n’est pas vous qui accouchez…). Quelques heures plus tard une centaine d’épines blanches et molles leur poussent sur le dos. Ce n’est que dans les 3 semaines qui suivent que ces piquants blancs tombent pour être remplacés par des piquants bruns.

En bon mammifère, j’allaite mes petits jusqu’à ce que leurs premières dents poussent. Dès qu’ils atteignent 25 jours je les sors pour la 1ère fois loin du nid, je leur apprends à chasser et leur propose de goûter un vrai repas. A l’âge de 1 mois ils ressemblent déjà à un adulte parfait.

Leurs piquants deviennent de plus en plus rigides pour être ultra-résistants à l’âge adulte. Ils sont piqués dans un énorme muscle en forme de bonnet qui s’enfonce jusqu’au menton et descend jusqu’au bas des pattes en cas de danger et là, toutes les aiguilles se relèvent automatiquement. Elles sont au nombre de 5000 à 7000 suivant la grosseur de l’individu. A l‘origine c’étaient des poils qui se sont transformés au fil du temps en piquants. Ces piquants tombent progressivement tous les 18 mois, très vite remplacés par de nouveaux pour que nous de restions jamais à moitié nus à la merci des prédateurs…

Mes petits doivent apprendre vite car à l‘âge d’1 mois ½ à 2 mois, j’estime qu’ils sont assez grands pour se débrouiller seuls, d’ailleurs la majorité d’entre eux est déjà indépendante. Dans le mois qui suit notre séparation je ne les reconnais même plus.

Aussi lors de nos dernières escapades, je leur fais toutes les recommandations possibles pour essayer de faire baisser ce pourcentage de 20% de mortalité infantile chez les hérissons. Les dangers sont nombreux pour eux comme pour nous les adultes.

Notre durée de vie normale est de 7 à 10 ans. Mais actuellement, notre espérance de vie est de moins de 2 ans… De nombreuses menaces pèsent sur nous : la route et les voitures qui tuent environ 10.000 hérissons par an en France, les pesticides qui empoisonnent notre nourriture ou la font disparaître, les parasites comme les puces et les tiques qui se faufilent entre nos épines, les maladies infectieuses, les noyades dans les piscines et les détritus qui peuvent nous étouffer. Sans oublier bien sûr nos prédateurs naturels : le renard, le blaireau, le fouine, le hibou grand-duc, la chouette hulotte, le sanglier, le chien, le chat…

Par contre, s’il vous arrive de me voir un jour ou plutôt une nuit, me rouler dans un liquide gluant, ne soyez pas inquiet. Il arrive que je tombe par hasard sur des objets qui dégagent une odeur qui me plait particulièrement (un mégot de cigare, une crème de beauté, du café, du papier journal, des objets très hétéroclites jusqu’à des excréments ou urine de chien). Je flaire, je lèche, je mâchouille et soudain je me mets à produire des flots de bave comme si j’avais la rage, mais ne craignez rien, je ne suis pas malade, je veux seulement enduire mes épines de cette bave à l’aide de ma langue. Pourquoi ? c’est un mystère ? Personne n’a encore pu l’élucider ? Il y a sûrement une raison, peut-être pour me débarrasser des parasites qui s’incrustent entre mes épines ?? Secret d’Etat…

Bref ! s’il vous plait, aidez-nous à éviter les pièges qui nous tuent :

  • En voiture la nuit évitez-nous, soyez encore plus attentifs en juin, juillet et août quand nos petits inexpérimentés traversent les routes.
  • Dans vos villes ou villages demandez à vos maires de bannir tous les désherbants et pesticides, à plus forte raison dans vos jardins si vous avez la chance d’en avoir un.
  • Dans nos bois, ramassez tessons de bouteille et tout objet rond, bout de tuyau, vieux porte-clés, boîte de conserve, dans lesquels de jeunes hérissons enfonceront leur tête, ils sont très curieux comme tous les jeunes animaux et mourront étouffés ou de faim, faute de pouvoir se nourrir. Dans une canalisation en béton de jeunes hérissons s’y enfilent et ne peuvent plus faire demi-tour.
  • Dans des bassins, encore pire dans des piscines, même si un hérisson sait très bien nager, il sera incapable d’en ressortir et mourra noyé : une simple planchette inclinée en bois rugueux lui suffira pour remonter ou un morceau de grillage lui servira de mur d’escalade.
  • Si vous trouvez un jeune hérisson, il est rarement perdu, ne le laissez pas sur la route et si vous tendez l’oreille aux alentours vous entendrez peut-être de petits cris aigus, c’est sa mère qui l’appelle. Dans le cas contraire, ne lui donner jamais de lait, ni de pain mais de l’eau à boire et de la nourriture pour chat ou chiot. L’été un hérisson a souvent soif et à l’automne il peut être affamé à l’approche de l’hiver, posez dans un endroit discret 2 coupelles (eau et croquettes) recouvertes si possible d’un couvercle,  souris et chouettes ne pourront pas le faire tomber et voler son contenu, lui sera capable de pousser le couvercle.

Si vous avez un jardin, même petit (un hérisson a besoin d’un grand territoire mais il peut explorer plusieurs jardins à la suite), et si vous souhaitez accueillir sa visite, voici quelques conseils :

  • bien entendu pas de produits chimiques cela va de soi, il se chargera de les remplacer.
  • prévoir 2 issues : trou dans une clôture, un grillage légèrement relevé du sol (7 cm de haut et 10 cm de large) ou plaqué le long d’un mur ou simplement des arbres en espalier le long d’un mur. Un hérisson est un excellent grimpeur sauf sur un mur trop lisse.
  • Si, en plus, vous voulez l‘héberger, il vous faudra prévoir un tas de feuilles mortes, de compost ou/et de branches mortes. Il se chargera d’organiser sa maison, s’il y trouve un vieux cageot
    récupéré que vous aurez posé en bonne place contre un mur, ce sera le summum. Par contre vous n’oublierez pas de vérifier qu’il ne se soit pas installé avant de piocher dans l’une de vos réserves de bois au risque de l’embrocher avec votre fourche.

Et n’oubliez pas : le Hérisson d’Europe bénéficie d’un statut de protection totale par l’arrêté du 23 avril 2007. Il est donc interdit en tout temps et sur tout le territoire français, de le détruire, le capturer ou l’enlever, de le naturaliser, qu’il soit vivant ou mort, de le transporter, l’utiliser et de le commercialiser